canon ou missile (01/01/2021)

 

Canon ou missile  (01/01/2021)






Survivre

Les chars de combat ont aujourd’hui, en duel, des niveaux technologiques qui les rendent beaucoup plus efficaces que par le passé. Pendant la Seconde Guerre mondiale ou les guerres des années 60 et début 70, il y a moins de 30% de chances de mettre un coup au but au premier tir. Trois tirs sont souvent nécessaires avant de faire but. L’arrivée de l’électronique, des télémètres laser et des caméras de vision nocturne changea la précision et la vitesse du combat. Avec un minimum d’entrainement, on peut aujourd’hui approcher les 80% de coups au but au premier coup.

 L’espérance de survie d’un char en centre Europe dans les années 80 était de 20 mn pour un char occidental et 10 mn pour un char du pacte de Varsovie. Ce calcul était obtenu en prenant comme référence les combats en Orient. La guerre du Golfe de 1991 vit deux armées dissymétriques  s’affronter et ne peut être donnée comme exemple en cas de conflit aujourd’hui, car la différence technologique entre les belligérants est beaucoup plus faible, voire inexistante.

En cas de conflit aujourd’hui, il faut croire que la  durée de vie sur un champ de bataille est devenue bien plus faible. Il y aura donc, en cas de conflit, un taux de destruction très élevé, ce qui engendrera des guerres très violentes mais très courtes. La vitesse de destruction cumulée à un rythme de manœuvre plus rapide engendre une guerre dans laquelle celui qui aura la capacité de résilience la plus élevée aura l’avantage.

Comme on peut le comprendre, il devient impossible aujourd’hui d’éviter de se faire prendre à partie en duel de chars. Pour redonner des chances de survie, les ingénieurs ont augmenté le nombre de couches de protection. Ils allient blindages passif réactif et actif, couplés à une motorisation puissante qui améliore les chances de survie mais aussi augmente les coûts.

Le choix d’un véhicule très cher, mais très performant doit donner la capacité de résilience suffisante. Mais la performance ne fait pas tout, comme nous l'apprend l’histoire. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les Allemands disposaient à la fin de la guerre des engins les plus performants et complexes, mais malgré cet avantage, ils furent vaincus. La réalité fait que l’efficacité d’un engin n’affecte que la zone où il peut agir. Mais un nombre limité d’engins ne peut agir que dans une zone réduite et laisse à l’ennemi des espaces pour s’engouffrer.  Il existe aussi tactiquement la possibilité de créer un rapport de force favorable par le nombre. Le nombre est donc, en soi, une qualité.

Artillerie : le choix des armes

Le char se définit aussi par son système d’armes. Pour le char, il s’agit du canon de gros calibre. L’augmentation des qualités des blindage des nouveaux chars, a obligé les concepteur d’engins à répondre par une augmentation de la puissance des canons. La munition principale actuelle est la munition flèche qui utilise l’énergie cinétique pour percer les blindages. Il faut la masse la plus importante et la vitesse la plus élevée pour donner le meilleur résultat. Il faut donc une énergie importante pour projeter à grande vitesse la flèche. Donc, plus le calibre est important, plus il y a d’énergie, plus la flèche est rapide et lourde, plus de blindage sera pénétré. Actuellement, le canon a un calibre de 120mm mais pour demain, on étudie des canons de 130mm ou 140 mm .  Les Russes ont du 125mm et travaillent sur des canons de 152mm.

Le canon a plusieurs avantages. Il utilise une multitude de types différents de munition qui ont comme autre avantage d’être moins coûteuses que des systèmes missiles. Les munitions sont également insensibles au contre-mesures. Mais la capacité à mettre un coup au but dépend de la qualité des systèmes de conduite de tir utilisée.

Aujourd’hui, les travaux portent sur la possibilité de guider les munitions une fois en vol. Les Américains ont réussi à faire modifier la trajectoire d’une balle de 12,7mm en vol pour faire but. On peut imaginer que l’on puisse faire faire la même chose à des munitions au calibre plus important. Cela permettrait de corriger la trajectoire lorsque le véhicule change d’attitude et d’atteindre un taux proche de 100% de coup au but ! On imagine donc que la durée de vie d’un char sur un champ de bataille moderne sera encore plus brève qu’aujourd’hui.

Il y a pourtant quelques défauts au canon. Les calibres plus importants imposent aussi des munitions plus importantes qu’il faut intégrer au véhicule. Le poids et le recul de l’arme modifie la taille des tourelles qui les intègrent. Par ruissellement, ils modifient le châssis porteur et donc le gabarit et la masse globale du char. Actuellement, les chars les plus lourds avoisinent les 70 tonnes. L’intégration d’un canon plus gros aurait pour conséquence de faire encore croître la masse des engins. Cela peut finalement rendre les chars impropres à la mobilité sur les réseaux routiers et surtout au passage des ponts.

La réponse en France est l’utilisation d’un berceau commun avec le 120 mm . Le canon s’intègre au char Leclerc mais la munition a un volume trop important. La solution est la munition télescopique. Le barreau de métal est engoncé dans la cartouche, ce qui réduit la taille de la munition. La France arrive ainsi à intégrer un calibre important tout en préservant une masse acceptable de l’ordre de 55 tonnes.

Les Allemands, eux, travaillent sur une plateforme de 70 tonnes pour le MGCS pour un canon de 130 mm . Cela aura des conséquences sur les capacités de projection de ce type d’engin, surtout en France qui géographiquement se retrouve éloignée des zones de conflits hypothétiques.

Le missile, l’outsider.

Le choix israélien de privilégier un système missile pour le remplaçant du Merkava est le fruit d’une réflexion sur le combat du futur. Le missile a comme caractéristique d’être plus cher et plus complexe qu’un obus mais a l’avantage d’avoir une empreinte plus réduite sur les véhicules. Les missiles sont aussi devenus plus polyvalents. Ils permettent aujourd’hui de détruire leurs objectifs à longue distance (de l’ordre de la dizaine de kilomètres)  et au-delà de la vue, avec une précision de l’ordre du cm. De plus, ils disposent de mode tire et oublie, ce  qui permet entre autres d’en tirer plusieurs en même temps sur des cibles multiples.

Les principaux défauts du missile sont son coût trop élevé, sa vitesse plus réduite et son système de guidage qui est plus sensible au brouillage. Lors de la guerre en Afghanistan, le coût de la mort d’un Taliban était de l’ordre de trois millions de dollars. On se rend compte qu’un missile est bien moins coûteux, ce qui rend acceptable son utilisation même contre des cibles à faible valeur ajoutée. Dans le domaine des brouillages, les missiles peuvent tirer leur épingle du jeu grâce à de nouveaux modes d’attaque, la mise en œuvre de furtivité ou de leurre qui déjoue ces protections actives.

Les Israéliens disposeront, grâce au missile, d’un véhicule plus léger et qui s’intégrera mieux aux milieux complexes comme la zone urbaine. Toute la doctrine sera de rester à  distance des nouveaux chars de combat qui seront, grâce au canon, des duellistes redoutables. Le taux de destruction des deux systèmes ne laissera que peu de chance de survie aux engins qui n’auront pas mis en œuvre d’autres systèmes de protection (furtivité, haute agilité, robotisation pour rester à distance)   

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